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SRI LANKA  La communauté tamoule de Malaiyaga
 

 

Cet article nous est parvenu d'un de nos membres du RIEH  Asie l'organisation HDO pour (Human Development  Organization). Depuis de longues années, cette association accompagne les Malayaga Thamilar, population tamoule travaillant dans les plantations de thé du centre de l’île.
Sensibilisée au sujet, elle a récemment publié un rapport faisant le point sur les difficultés rencontrées par cette communauté, les avancées obtenues et les revendications qui restent à satisfaire. 

 

image d'accueil

 

Au cœur du Sri Lanka, nichée au milieu de ses collines verdoyantes et de ses paysages luxuriants, se trouve une communauté au passé remarquable : Les Malayaga Thamilar. L'année 2023 marque une étape importante pour le peuple tamoul malaiyaga (les Tamouls des plantations de la région des collines) après deux siècles d'existence et un dévouement sans faille à l'essor de l'économie nationale du Sri Lanka.

Leur contribution substantielle aux revenus du pays soulève inévitablement la question de savoir s'ils devraient bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens, malgré leur rôle essentiel en tant que pilier économique. Ironiquement, ce groupe subit une profonde oppression sur les plans social, politique, culturel et économique. Il est donc impératif d’examiner de près leur parcours et les défis persistants qu’il rencontrent dans leur quête de reconnaissance, de dignité et d’égalité.

Les Tamouls des plantations, originaires de l’Inde, ont entrepris un voyage transformateur au Sri Lanka (anciennement Ceylan) au cours des 19e et 20e siècles, pour travailler dans les plantations florissantes de l'île. Cette communauté, souvent désignée comme les « Tamouls indiens » au Sri Lanka, trouve es racines principalement parmi les travailleurs envoyés par des groupes affectés par des castes du Tamil Nadu, situé dans le sud de l'Inde. Leur histoire est celle d'une migration, d'une adaptation et d'une contribution vitale à l'histoire des deux pays.

 

Crise d'identité de la communauté tamoule de Malaiyaga 

Selon le recensement de 2012 au Sri Lanka, les Tamouls indiens représentaient 4,2 % de la population, totalisant 842 323 personnes. Bien que le gouvernement sri-lankais et le département du recensement les désignent comme les Tamouls d'origine indienne (IOT), cette communauté comporte également d’autres identités telles que : les Up Country Tamils, les Hill Country Tamils, les Plantation Tamils et les Malaiyaga Tamilar.

Il est intéressant de noter qu'une partie des Tamouls indiens ayant obtenu la citoyenneté sri-lankaise choisi de s'identifier en tant que Tamouls sri-lankais en raison des complexités entourant les droits de citoyenneté historiquement absents. Ce choix s'explique par l'absence historique de ces droits.

Cette question a suscité des débats au sein des cercles civils et politiques, mais un consensus n'a pas encore été atteint. Pour promouvoir une plus grande inclusion et préserver les diverses identités, le gouvernement du Sri Lanka ou le département du recensement pourrait envisager d'introduire la possibilité pour les individus de s'identifier en tant que Malayaga Thamilar, reflétant ainsi la palette nuancée aux multiples facettes de cette communauté dynamique.

 

Où se situe t-elle ?

La communauté tamoule Malaiyaga est principalement établie dans les collines centrales du Sri Lanka, en particulier dans les districts de Nuwara Eliya, Badulla, Ratnapura, Kandy et Matale. Ils résident également dans d'autres districts comme Kegalle, Kalutara, Moneragala, Galle, Matara Kurunegal, etc. Cette communauté est centrée autour de l’industrie des plantations de thé et de caoutchouc, en particulier dans les régions montagneuses comme Nuwara Eliya, Hatton, Maskeliya, Badulla, qui sont des centres actifs de la production de thé. Cet alignement géographique a non seulement façonné leurs moyens de subsistance, mais a également contribué de manière significative à l’économie, à la société et à la culture du Sri Lanka.

 

Une contribution économique

Derrière la célèbre marque de thé Ceylan, se trouve une communauté de travailleurs dévoués des plantations de thé, qui joue un rôle crucial dans la croissance économique du Sri Lanka. Leur contribution va au-delà de la culture des feuilles de thé, car ils sont une source majeure de revenus étrangers grâce aux exportations de thé et de caoutchouc. Le thé de Ceylan apprécié par des millions de personnes dans le monde, est le fruit du dur labeur de ces travailleurs. Cependant, derrière cette réussite se cache une réalité très contrastée :  la vie de ces travailleurs reste souvent dans l'ombre, marginalisée malgré les éloges de l’industrie. Alors que le thé de Ceylan est savouré à travers le monde, ceux qui le cultivent demeurent largement invisibles et marginalisés. Ce paradoxe souligne une vérité troublante : au milieu des louanges de l'industrie, les travailleurs des plantations de thé font face à une marginalisation persistante.

 

La pauvreté 

Un drôle de paradoxe se dessine alors que la population la plus touchée par la pauvreté demeure largement méconnue malgré son rôle crucial dans l’économie nationale. Étonnamment, les statistiques de l'enquête sur les revenus et les dépenses des ménages en 2017 (HHI&ES) indiquent une baisse du taux de pauvreté parmi ces individus à 8,8 %, (comparé à 1,9 % pour la population rurale), un plongeon significatif par rapport aux 32 % enregistrés en 2006/07. Pourtant, ces chiffres, bien qu’encourageants, doivent être examinés avec scepticisme, car la réalité de leur vie révèle une tout autre histoire. Les difficultés concrètes telles que l'accès limité à l'éducation, aux soins de santé, aux services publics et aux équipements de base persistent, jetant une ombre sur ces données apparemment positives. Alors que l'économie du Sri Lanka progresse, il est essentiel de reconnaître les disparités persistantes qui touchent les plus vulnérables. Les défis auxquels ces communautés sont confrontées vont au-delà des pourcentages et des statistiques. Leurs voix, leurs expériences et leurs luttes quotidiennes rappellent que le véritable progrès ne se résume pas à des chiffres sur le papier, mais concerne le bien-être global et la protection des droits de tous les citoyens. Pour combler ce fossé, il faut des efforts globaux visant à permettre à ceux, piégés dans le cycle de la pauvreté de contribuer à la création d'une société plus équitable, plus juste et plus démocratique pour tous.

 

Le droit à l'alimentation

La récente récession économique et la crise alimentaire qui en a résulté ont eu un impact grave sur les communautés vulnérables, en particulier celles vivant dans les plantations. Cela englobe les travailleurs des domaines, les femmes, les enfants, les agriculteurs et les travailleurs journaliers. Au Sri Lanka, le taux d'inflation alimentaire a atteint le niveau alarmant de 57,4 % en juin 2022, rendant l’obtention de repas nutritifs difficiles pour de nombreuses personnes.

Bien qu’il n'y ait pas de données spécifiques sur la situation alimentaires dans les plantations, il est clair que de nombreuses personnes ont dû ajuster leur alimentation en raison de l’augmentation des prix, réduisant ainsi leur

accès à des aliments nutritifs.

Le manque d'accès à l'éducation pour les femmes, leur faible statut socio-économique et l'insécurité alimentaire aggravent la malnutrition, en particulier parmi les femmes et les enfants des communautés de plantation. Le Sri Lanka se classe parmi les dix pays ayant les taux les plus élevés de malnutrition infantile et la crise économique actuelle aggrave la situation en limitant l’accès aux produits de première nécessité, affectant ainsi la nutrition et l’éducation des enfants.

Cette situation conduit à un risque accru d’abandon scolaire parmi les enfants des plantations, car leurs besoins fondamentaux deviennent prioritaires. De plus, il y a eu une hausse notable d’incidents à haut risque en matière de protection de l'enfance, tels que les agressions sexuelles et les violences physiques, dans les districts clés des plantations. Une action urgente est nécessaire pour briser ce cycle de la malnutrition et d'abus physique.

 

Terre et logement

Les droits à la terre et au logement, restent une question litigieuse et complexe pour les habitants des plantations des régions montagneuses. Il est choquant de constater que 67,8 % d’entre eux (enquête HHI&E 2012/2013) résident toujours dans des chambres de passage héritées de l'époque coloniale, sans en être propriétaires, ni de la terre en dessous. Bien que des projets de logement aient été lancés au sous différents gouvernements, leur mise en œuvre doit être accélérée et leur portée élargie.

Les droits linguistiques sont une autre préoccupation urgente. Les communautés des plantations souffrent d’un manque flagrant de fonctionnaires parlant tamoule dans les institutions gouvernementales, en particulier dans les régions où elles prédominent. Cette sous-représentation les place dans une situation difficile. Pour relever ces défis, une approche multidimensionnelle est nécessaire. Le 13e amendement souligne l’importance des droits linguistiques au Sri Lanka, visant à garantir une représentation linguistique équitable. Assurer la légitimité de la propriété foncière, moderniser les conditions de logement et promouvoir l'inclusion linguistique sont des étapes cruciales. En outre, l'accélération et l'extension des initiatives de logement peuvent considérablement améliorer la qualité de vie des travailleurs des plantations. Des droits fonciers et des droits au logement équitables, associés à l'inclusion linguistique, sont essentiels pour améliorer la vie de ces communautés marginalisées et renforcer leur capacité d’action.

 

Accès aux Services publiques

Dans le district de Nuwara Eliya, les communautés tamoules rencontrent des difficultés d’accès aux services publics, en raison de la surpopulation. Cette région, relevant des secrétariats divisionnaires d’Ambagamuwa et de Nuwara Eliya, compte entre 225 483 et 232 466 habitants, ce qui pose un défi majeur pour la prestation efficace des services publics dans ces régions.

La situation est aggravée par l'article 33 de la loi sur le Pradeshiya Sabha aggqui limite l’accès des autorités locales à ces communautés, soulignant la nécessité pressante de modifier cette loi.

L’accès limité aux services publics essentiels pour la population tamoule appelle des réformes globales.

Pour résoudre ce problème, il est nécessaire de réduire la surpopulation tout en plaidant en faveur d’un accès équitable aux services publics prévus par la loi sur le Pradeshiya Sabha et la récente décision du Cabinet (2019) visant à augmenter le nombre d'électeurs dans les secrétariats divisionnaires.

Des modifications législatives pourraient permettre d’assurer que les services de l’État soient accessibles à tous, surmontant ainsi les obstacles actuels aux droits des communautés tamoules de la région.

 

L'éducation et la santé

L'éducation et les soins de santé posent toujours un défi majeur, pour les populations des plantations au Sri Lanka, malgré les ressources allouées au niveau national.  Dans les régions montagneuses, les disparités sont évidentes, avec seulement quelques écoles 1 AB proposant un enseignement scientifique et un internat.

Pour illustrer le déséquilibre, le district de Nuwara Eliya, bien que comptant une importante population tamoule, offre moins d’écoles répondant à leurs besoins, par rapport à d'autres communautés. Cette disparité flagrante en dit long sur la répartition inégale des ressources physiques et humaines.

Ces inégalités ont un impact tangible sur le bien-être et le potentiel des communautés des plantations. L'accès à une éducation de qualité et à des soins de santé est essentiel pour rompre le cycle de la pauvreté et autonomiser ces populations marginalisées. Des investissements ciblés et des politiques appropriées peuvent contribuer à rétablir l’équité en matière d’éducation et de soins de santé, offrant ainsi à chaque individu, quel que soit son milieu d’origine, la possibilité de s'épanouir.

 

Service médical et sanitaire de la plantation

L'amélioration des services médicaux et sanitaires dans les plantations est essentielle pour s'aligner sur les normes nationales et internationales. La situation préoccupante des droits sexuels et reproductifs des enfants et des femmes au sein de ces communautés, est un sujet d’inquiétude. Actuellement, la majorité des dispensaires des plantations sont dirigés par des assistants médicaux du domaine, ce qui pose un vrai défi au système national de santé. Pour résoudre ce problème, une rénovation complète de l'infrastructure sanitaire dans les plantations est nécessaire. Cela implique l’adoption de normes plus strictes, la fourniture de soins spécialisés pour les groupes vulnérables et la formation de  professionnels de santé plus qualifiés afin d’améliorer la qualité des services médicaux. Reconnaissant l'importance d’un accès équitable à des soins de santé de qualité pour tous, ce projet vise à améliorer la vie des communautés des plantations tout en contribuant à la création d’une nation en meilleure santé. Par le biais de la collaboration et d’interventions stratégiques, nous pouvons progresser vers une égalité des soins et un système de santé plus solide et plus équitable.

 

Droits à la subsistance

Le droit à un moyen de subsistance est fondamental, mais les planteurs de la région des hautes collines luttent pour l'obtenir. Leurs salaires dépendent de conventions collectives qui n’ont pas été révisées depuis un certain temps, en raison d’un blocage dans les négociations entre les syndicats et la fédération patronale. Cela soulève des préoccupations concernant le respect de la responsabilité sociale des entreprises et du Pacte mondial de l'ONU.  Les travailleurs des plantations reçoivent actuellement les salaires journaliers les plus bas du pays, ce qui les maintient dans une pauvreté persistante. Pour résoudre ce problème, des mesures urgentes s'imposent, notamment la révision des accords salariaux, la promotion de négociations équitables et le respect de pratiques commerciales responsables. Prioriser les moyens de subsistance de la communauté va au-delà de l’obligation morale, c'est également un moyen de créer une société plus équitable. En veillant à ce que leur droit fondamental à la subsistance soit respecté, nous pouvons contribuer à briser le cycle de la pauvreté et à renforcer l'autonomie de ces communautés marginalisées. Cependant, la présence d'entreprises ou d'organismes publics (JEDB, SLPC ou EPL) dans de nombreuses plantations crée des lacunes qui entravent à la fois les projets de développement nationaux et l'accès équitable à ces populations marginalisées.

 

La Réforme constitutionnelle

Pour renforcer l'intégrité politique du Sri Lanka et soutenir la bonne gouvernance démocratique, il est recommandé de rétablir un système de Sénat avec une représentation égale des minorités et des professionnels. Ce système viserait à favoriser les pouvoirs et à garantir des pratiques politiques crédibles. En particulier, tous les projets de loi présentés devraient être examinés par le Sénat avant d'être approuvés par le Parlement, ce qui renforcerait la transparence et la responsabilité dans le processus législatif.

 

La représentation politique

L'appel à un changement du système de représentation proportionnelle actuel, qui est sujet à la corruption et associé à la violence, gagne en importance en vue d’un paysage politique plus équitable. Il est intéressant de noter que ce système semble bénéficier aux minorités démographiques, notamment à la communauté tamoule de Malaiyaga et aux musulmans. Ainsi, des partis politiques et des mouvements civils plaident en faveur d'un système parlementaire hybride dans le cadre de la nouvelle constitution, qui combinerait le système électoral et la représentation proportionnelle. Cette approche innovante vise à renforcer la communauté tamoule de Malaiyaga, mais aussi les populations cinghalaises et musulmanes dispersés à travers le pays. En favorisant une inclusion politique plus large et en garantissant les droits de divers groupes, cette proposition cherche à promouvoir un cadre démocratique plus représentatif et harmonieux pour l’avenir politique du Sri Lanka.

 

Recommandations

Après deux siècles, le discours récent sur le changement de paradigme dans le secteur des plantations au Sri Lanka, met en avant la nécessité de redéfinir les travailleurs comme des citoyens égaux et à part entière, garantissant ainsi leurs droits fondamentaux. Au cœur de cette transformation se trouve la nécessité d’introduire un salaire décent, mais cela va au-delà de l’aspect financier. Cela implique une refonte complète des secteurs de la santé et de l'éducation, ainsi qu'un programme de développement pour la région.

L’intégration des établissements de santé des plantations dans le système sanitaire national est un élément central de cette approche pour assurer un accès équitable à des soins de qualité pour tous. Des actions positives et des programmes de développement ciblés sont nécessaires pour combler les fossés historiques, égaliser les chances et habiliter les personnes marginalisées. La transformation envisagée englobe également la résolution des problèmes liés à la terre et au logement, y compris la clarification des droits fonciers et la création de plans de logement modernes. La diversification des moyens de subsistance, soutenue par une formation rigoureuse et l'accès à la terre et aux ressources de production, donne vie à un progrès durable et à l’autonomisation des individus. Un plan d'action à court et à long terme, un programme et un mécanisme sont nécessaires pour accélérer le développement durable de la communauté. La promotion de la diversité linguistique conformément au 13e amendement, est un élément clé. La création d'une commission sur le peuple malaiyaga est également importante pour protéger les droits des groupes minoritaires ethniques, religieux, culturels et sexuels.

Le chemin du Sri Lanka vers la transformation est multiple, complexe et interconnecté, nécessitant un effort collectif en faveur d'un avenir caractérisé par l'équité, la justice et la prospérité.

Au fur et à mesure que cette nation entre dans une nouvelle ère, la transformation de la communauté tamoule de Malaiyaga (secteur des plantations) témoigne de la volonté résolue de construire une société digne qui valorise et responsabilise chaque citoyen du Sri Lanka.

 

recommandations

Pour accéder au document original en anglais, cliquez ici

 

 


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