Beaucoup de celles et ceux qui veulent changer le monde appellent à un « changement de paradigme », un « changement de système », un « changement de logiciel ». Ce changement est possible, il y a au moins un lieu sur cette planète où il s’est opéré ; nous l’avons visité. C’est le Centre Songhaï à Porto Novo au Bénin.
Nous n’allons pas dans cet article en faire une description détaillée. Il y a un site avec des descriptions, des vidéos sur You Tube. Disons ici en quoi Songhaï est un bel exemple d’économie humaine en acte.
Songhaï, c’est d’abord une vision, une philosophie, celle de l’homme qui danse avec la nature ; qui est relié à tous les autres hommes ; qui se place sous le regard de Dieu pour le croyant ou en recherche permanente de Sens pour l’homme de bonne volonté en quête de sagesse. C’est la jonction de la science qui nourrit les techniques, de la spiritualité qui inspire l’engagement, de l’action qui transforme la matière et l’énergie en richesse, La tête, les bras, le cœur.
D’une façon très concrète, on parcourt les 20 ha et on est frappé de voir que tout fait système, tout est intégré. Toutes les eaux sales produites sont récupérées et transformées en intrants pour le compostage ou la fabrication du biogaz ou épurées par des plantes. Les techniques de permaculture permettent des rendements particulièrement élevés avec des cycles de croissance raccourcis. Ces techniques sont donc plus productives, génératrices d’un meilleur revenu pour les producteurs et régénératrices des sols. La valeur ajoutée n’est pas captée ailleurs, car la transformation se fait sur place avec des machines fabriquées aussi sur place. Même la commercialisation est intégrée avec un magasin rempli de produits de la marque Songhaï.
Une analyse très détaillée montrerait certainement des points de fragilité. Mais il n’empêche ; il se dégage de cet espace très aménagé, où tout est pensé, une impression de plénitude. C’est propre et c’est beau !
Et cet espace est très habité. Par des personnes qui travaillent dans des conditions saines, sans stress apparent. C’est plus d’une centaine d’emplois, rémunérés en respectant le droit du travail et garantissant un accès au système de protection sociale béninois. On voit partout des stagiaires à l’ouvrage, passant 75% de leur temps d’apprentissage sur le terrain. Ils viennent de tout le Bénin et aussi des pays voisins. L’objectif est qu’elles et ils deviennent tous des entrepreneurs agricoles, ou des métiers de la transformation, des techniques de production d’énergie et de bouteilles plastiques fabriquées en recyclant le plastique usagé.
Et Songhaï les accompagne quand ils retournent dans leur communauté pour entraîner à leur tour les autres. Nous avons pu visiter à une trentaine de kilomètres de Porto Novo une coopérative d’élevage de volaille, le Jardin des Oliviers, fondée par des jeunes formés à Songhaï.
Le centre de Porto Novo n’est pas une vitrine isolée. De grandes surfaces sont cultivées selon les mêmes méthodes dans plusieurs sites du Bénin et dans d’autres pays avec lesquels des conventions ont été signées. Le modèle essaime. Mais l’institution et son fondateur, Godfrey N’zamujo, se refusent à exporter les techniques, si, en même temps, n’est pas aussi transmise la philosophie de Songhaï.
Nous y voyons le mode de transformations de la société promue par l’économie humaine. Se changer soi-même en se laissant éduquer par les autres et en se laissant interroger par les grands textes sacrés ou de sagesse ; être dans l’action localement ; s’appuyer sur cette action pour obtenir le soutien des pouvoirs publics nationaux ; faire évoluer les rapports internationaux car plusieurs pays ont demandé à Songhaï d’inspirer leur politique publique.
Peut-être une différence entre la démarche de Songhaï et la nôtre : le centre intègre toutes les activités alors que l’action territoriale que nous promouvons cherche la concertation entre les différents acteurs.
Et peut-être aussi une différence dans les sources d’inspiration et d’animation.
A Songhaï, le fondateur joue un rôle central et déterminant au point où on peut s’interroger sue ce que deviendra le centre quand il ne sera plus là.
Nos sources d’inspiration sont plus diverses. Et par exemple dans le projet ATEDD-Kivu, c’est le groupe local RIEH dans sa diversité et son unité qui est l’inspirateur du projet. Un groupe relié à tout un réseau national, continental et international. C’est plus durable sans doute.
Mais restons modestes. Le RIEH est loin d’avoir la notoriété de Songhaï.
La bonne nouvelle de cette rencontre c’est que Godfrey N’zamujo s’est déclaré totalement disposé à agir avec nous, dans la perspective d’une Afrique qui se tient debout. Africa stands up !
Nous allons dans les semaines qui viennent voir avec lui comment ces actions communes peuvent être conduites.
Nous reparlerons de Songhaï.
Michel Tissier
Secrétaire exécutif du RIEH