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Admirons ces femmes, elles le valent bien !
 

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Lundi 23 décembre, deuxième temps fort de ma mission après la réunion du 16 décembre à Kalehe. Nous nous rendons dans un immense camp de personnes déplacées au sud de Goma pour rencontrer trois des six groupes de femmes qui, avec la Fondation Matendo, ont appris à produire des briquettes de charbon vert (voir l’actualité ["Dans les camps de personnes déplacées au Kivu, des femmes dans l’action."]

 

 

les femmes souriantes

 

 

dans le camp Michel et Ambroise DANS LE CAMP DES DEPLACES   Le camp pour la 13

Le camp des déplacés

 

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séchage  des briquettes de charbon vert sur une clayette par le goupe des femmes
 
les fours améliorésProduction de fours améliorés
 
 
du charbon vert devant une tente pour être utiliséDes briquettes de charbon vert devant une tente pour être utilisées
 
 
photo de famille das le campPhoto de famille dans le camp
avant tout une belle rencontre humaine !

Je suis accompagné par Jean-Louis, l’ancien chef de projet d’ATEDD, Delphin, le chef de projet de Matendo, Daniel un animateur de Matendo et Ambroise, mon ami et mon guide qui devient notre technicien expert en énergies alternatives non seulement aux énergies fossiles, mais au bois de chauffe et au charbon de bois.


C’est très impressionnant. Dans le camp de Bulengo où nous nous rendons, le dernier recensement compte 38 000 ménages. Comme les ménages au Kivu comptent en moyenne 6 à 7 personnes, c’est environ 250 000 personnes qui vivent ici. Un océan de tentes blanches.


Ce n’est pas du tout l’objet de ma mission d’observer ces camps, si nombreux de par le monde. Je ne fais que passer. Ce qui me frappe, c’est que les gens ont reconstitué la vie des villages : les étals, les petits commerces, les motos. C’est aussi que c’est administré : il y a des points d’eau, des toilettes, des centres de santé, des ouvriers d’entretien, des personnels d’ONG avec leurs gilets affichant leur logo. Il y a certainement plus de services qu’au village d’où viennent toutes ces personnes. Ce qui marche le moins bien c’est l’école. Je vois aussi un terrain de foot. Et des jeux d’argent sont installés en plein air (voir la photo). Il y a toujours des profiteurs pour exploiter la crédulité des plus pauvres.


La Fondation Matendo a installé pour chaque groupe un « hangar » en bois, avec un grand auvent qui sert d’atelier avec les machines (carbonisateur, broyeur, presse). Les déchets alimentaires et agricoles et les briquettes pressées sèchent dehors.

6 groupes de 30 femmes chacun ont été constituées. Elles ont été formées. Elles ont produit au total 26 tonnes de briquettes de charbon vert pour les mois d’octobre et novembre.. A ce stade les briquettes servent exclusivement à leur usage personnel. Elles ne sont pas vendues

Sur chacun des trois sites, l’accueil est enthousiaste avec des chants et des danses. Elles sont toutes là. Elles ont pris leurs dispositions pour que les enfants soient  gardés chez elles. Seuls les tout petits qui tètent encore sont accrochés selon la méthode traditionnelle.
Tout se déroule en swahili, quelqu’un me traduisant à l’oreille. Je suggère des questions à Jean-Louis et il les pose avec les mots qui permettent qu’elles soient comprises. Je rends compte de leurs principales expressions.

Elles insistent d’abord sur le fait qu’elles ne sont plus obligées d’aller chercher du bois dans le Parc de Virunga. C’est loin et surtout le risque de violences et d’agressions sexuelles est très grand.
En fabriquant leur propre briquette, elles économisent l’achat de charbon de bois pour faire la cuisine. C’est entre 5000 et 6000 F congolais par jour, soit environ 2 $, sachant que le PIB par habitant et par jour en RDC est de 4,25 $. Elles sont très satisfaites d’avoir appris un métier. Toutes disent qu’elles continueront à produire des briquettes quand elles rentreront dans leur village ou leur ville. Elles sont fières de subvenir elles-mêmes à leurs besoins, bien qu’elles soient loin de chez elles. Elles sont très heureuses d’avoir formé leur groupe, où elles sont unies, se soutiennent alors qu’elles viennent de villages très différents de tribus différentes.

La plupart d’entre elles ont subi des violences et ont été traumatisées. Elles retrouvent leur dignité, tout simplement le goût de vivre. Je me dis qu’avec elles, le terme de résilience n’est pas usurpé.

 

Dès le début et tout au long des échanges, elles mettent en avant un problème majeur.

Elles sont enviées par les autres femmes qui auraient voulu être intégrées dans les groupes. A l’échelle du camp, 180 femmes, ce n’est pas beaucoup. Elles se disent donc prêtes à former les autres pour que toutes celles qui le veulent puissent produire des briquettes. Comme le marché est immense, et que les déchets alimentaires et agricoles sont très abondants dans la zone, il est très certainement possible d’augmenter le nombre de productrices. Il faudrait les aider pour les machines et les hangars, mais cette aide peut prendre la forme d’un prêt à rembourser par la vente des briquettes produites.

 

En circulant dans le camp avec Jean-Louis et Ambroise, nous voyons une tente devant laquelle sont entreposées les briquettes. Ils interrogent la femme qui les utilise. Elle est très satisfaite. Pour chauffer une soupe, 7 briquettes suffisent, alors qu’il faut le double de charbon de bois.Les briquettes ne font pas de fumée qui salit les casseroles et empoisonne l’atmosphère. Il n’y a pas de risque d’incendie dans la tente.

 

En repartant, nous sommes raccompagnés par les femmes qui chantent un chant en swahili promouvant, me dit-on, les droits des femmes. Elles ont appris ce chant lors d’atelier de sensibilisation auxquels elles ont participé. Elles le connaissent par cœur et le chantent avec beaucoup d’entrain.

 

Pour la suite il faut les accompagner pour s’organiser en une entreprise de production réunissant les 6 groupes. Cette entreprise devra concilier trois objectifs complémentaires: produire plus de briquettes pour répondre à leur besoin ménager en combustible et en avoir à vendre pour améliorer leur revenu et couvrir les coûts de production (y compris l'entretien, réparation et renouvellement des équipements) . La Fondation Matendo avec Delphin et Ambroise apportera ce soutien. Elle attend elle-même que le RIEH la soutienne.

 

Au total, je retiens d’abord la force de caractère de ces femmes qui se voit dans leur regard, le ton de leur voix, leur participation active aux échanges. Leur priorité c’est d’affirmer leur dignité en produisant le combustible dont elles ont besoin, en vendant le surplus pour disposer d’un revenu, en s’organisant, en s’entraidant. C’est la base de l’économie humaine : répondre aux besoins de chacune et de toutes par le travail de chacune et de toutes.

 

Elles sont la preuve que même dans les pires conditions, l’être humain, femme ou homme, a en lui les ressources pour ne pas se laisser emporter par son destin, mais pour en être l’acteur. Ces femmes font preuve d’empowerment, de capacité
d’émancipation et d’autonomie. Elles donnent du sens au slogan publicitaire « parce que je le vaux bien ». Mais c’est un nous collectif : « Parce que nous le valons bien », soyez avec nous. Soyons avec elles.

 

Michel Tissier

 

 

 

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