Cela fait plus de quatre semaines que nous souffrons de l'épidémie du désormais célèbre coronavirus. Activités quotidiennes, conversations, actualités, images de rues et de personnes, tableaux statistiques sont pratiquement les mêmes dans les médias des différents pays du monde. Au Pérou, nous n'y échappons pas. Mais il me semble que, bien que tout soit pareil, ni les expéditeurs et les producteurs de ces messages ni, bien sûr, les destinataires ne sont les mêmes.
Voyons quelques exemples de ces semaines au Pérou, des messages que nous connaissons tous.
Le premier, le plus diffusé à toute heure: « LAVONS NOUS LES MAINS FRÉQUEMMENT TOUTE LA JOURNÉE AU MOINS 30 SECONDES », dans un pays où moins de 50% des ménages ont l’eau à domicile… !!!
Combien d'entre eux ont de grandes serviettes propres , distinctes pour chaque membre de la famille ?
2. « EN ARRIVANT À LA MAISON, LAISSEZ LES CHAUSSURES DE CÔTÉ, METTEZ LES VÊTEMENTS QUE VOUS AVEZ UTILISÉS A LA MACHINE À LAVER À 60 DEGRÉS ET CHANGEZ VOUS ».
On croit rêver !
Combien de Péruviens ont deux ou trois paires de chaussures prêtes ? Combien ont un endroit à part à l'entrée de la maison ? Combien ont, à l'échelle nationale, une machine à laver ou, déjà, le courant électrique ?
3. « QU’UNE SEULE PERSONNE PAR FAMILLE SORTE POUR FAIRE LES COURSES ! » Par Dieu ... !!! De quelles familles parlent-ils ? Ils ne connaissent pas le Pérou ? Ils ne connaissent pas l'immense travail quotidien des mères qui doivent tout faire en même temps et qui n'ont pas une autre personne à qui confier leurs enfants ? Ne connaissent-ils pas les moments où la plupart des hommes, maris ou non, arrivent à la maison ? Ignorent-ils le travail attachant, utile mais dangereux que font de nombreux adolescents dans les foyers populaires ?
4. « GARDONS UN MÈTRE ET DEMI OU DEUX MÈTRES DE DISTANCE DANS LES QUEUES » Très bonne recommandation ... mais c’est oublier que ceux qui allaient recevoir les 380 sous de subvention dont ils ont vraiment besoin, se sont réveillés, sont partis avant 5 heures du matin, qu’ils se battaient devant les guichets. Ne savaient-ils pas qu'il y a des maisons où il n'y a que des femmes avec des enfants et qu'ils doivent enfreindre la règle pour tuer la faim ?
Nous pourrions continuer ainsi.
Je crains qu'au-delà des efforts évidents de l'équipe gouvernementale du président Vizcarra dans la lutte contre le coronavirus, la grande majorité de la population du Pérou ne soit vraiment touchée par le message.
Seul sera atteint un petit pourcentage de la population urbaine. Je viens de lire dans le magazine SOMOS d'El Comercio (en date du 11 avril) cette phrase innocente, charmante et discrète : « Nous avons déjà réalisé que nous pouvons vivre sans luxe, sans voitures, sans vêtements de marque, sans collection de portefeuilles… » écrite si naturellement, même avec les meilleures intentions du monde, mais… encore une fois à partir de l’expérience d’une minorité de la population du Pérou.
Je pense que les mesures de l'isolement social et d'autres normes doivent être différenciées à la fois pour la campagne et la ville, et que l'équipe du président Vizcarra doit étudier les types de réalisations sociales et le mode de production en cours dans les zones rurales.
L'épidémie existe et doit être combattue avec toutes les méthodes scientifiques, médicales, économiques, sociales, policières et militaires lorsque cela est nécessaire, mais, à mon avis, sans la compréhension du problème par la majorité et sans leur participation organisée, nous allons prendre beaucoup plus de temps pour la vaincre. Je pense en particulier aux zones rurales et amazoniennes et aux secteurs populaires urbains.
Cela a été fait par le peuple et la communauté de Villa El Salvador, quand la ville a été la première à vaincre le choléra sur tout le territoire national : avec organisation, unité, solidarité, leadership et discipline. Il est vrai que nous sommes dans une autre époque et que le coronavirus n'est pas le choléra, mais je suis convaincu que ces valeurs sont non seulement valables mais absolument nécessaires en ce moment au Pérou.
Nous, les Péruviens et les Péruviennes, pouvons le faire.
Michel Azcueta
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