"Pour un développement humain, intégral, solidaire et participatif, en harmonie avec le vivant"

 
 
 
 
 
 
 
 

Les creuseurs revendiquent une économie humaine Actualités Aux Assises de l'ATEA au Kivu  :  reconnaissance du rôle du RIEH

A Kalehe, tout le monde est entrepreneur. Vers une Chefferie d’économie humaine ?
 

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Quand nous avons élaboré le programme de la visite à Kalehe, Eric m’a dit : « Il faut faire une réunion avec les jeunes entrepreneurs. Tu leur parleras de l’économie humaine ». C’est ainsi que se tient une réunion le lendemain des Assises d’ATEA (voir l'actualité "Kalehe tient ses Assises")

Une quarantaine de personnes se retrouvent dans une salle. Une majorité d’hommes mais une forte minorité de femmes. Des jeunes, si on est jeune jusqu’à 35 ans ou même plus.

 

 

la remise des équipements  La salle pour les jeues entrepreneurs   

 

 

A ma question initiale,: "Qui est entrepreneur ici ?", presque tous lèvent la main. Et chacun cite son activité éleveur de poules, de lapins, de canards, de cobayes, de chèvres, producteur de cannes à sucre, jardinier produisant des légumes, pisciculteur, producteur de miel, fabricant de braseros, couturière, coiffeur, maçon (une femme), menuisier, boulanger,

Et l'Economie humaine dans tout ça ?

Je me lance : l’économie humaine c’est une économie où chacun de vous gagne assez pour vivre dignement, travaille dans de bonnes conditions pour sa santé et sa sécurité, respecte l’environnement. C’est aussi une économie où chacun ne cherche pas à gagner contre les autres, en les exploitant, en les trompant, mais au contraire cherche à gagner avec les autres, en s’entraidant. Une économie où chacun cherche l’intérêt de sa famille, mais pas au détriment de la communauté et, chaque fois que possible, en cherchant aussi l’intérêt de la communauté.

Il y a deux types d’économie, celle où chacun gagne contre les autres et celle où chacun gagne avec les autres.

La première est celle qui domine presque partout dans le monde. Elle produit de grandes inégalités. Certains accumulent beaucoup de choses souvent inutiles ou seulement pour leur prestige alors que d’autres n’ont pas  le minimum nécessaire.

La seconde est celle que nous voulons pratiquer et construire. C’est l’économie solidaire, l’économie humaine. Et le rôle du groupe local du RIEH, c’est de construire cette économie à Kalehe. De faire de la Chefferie de Buhavu une Chefferie d’économie humaine.

 

Comment faire pour que chacun gagne davantage en aidant aussi les autres à gagner davantage ?

Trois voies complémentaires : s’organiser, se former, avoir des financements.

Dans la suite de l’atelier, nous avons travaillé sur un exemple, celui de l’apiculture. Michel Jandarme est un expert en apiculture, qui l’a pratiquée toute sa vie, qui a cherché toutes les occasions de se former, qui fait partie du réseau d’apiculteurs français Apriflordev. Il a connu le RIEH pendant la mise en œuvre d’ATEDD et nous sommes restés en contact. Nous l’avons rencontré avec Eric à Bukavu et il a accepté de faire le déplacement avec nous à Kalehe.

 

En dialoguant avec les apiculteurs qui sont dans la salle il explique qu’il y a des améliorations possibles par rapport aux pratiques actuelles, notamment en utilisant des ruches kenyanes au lieu des ruches traditionnelles. Il explique aussi l’intérêt d’avoir des tenues adaptées et des équipements bien conçus.

 

En conclusion,

il est retenu qu’il reviendra faire une formation approfondie. Il connaît la boutique à Bukavu où l’on peut s’approvisionner avec du bon matériel pour un bon prix. Michel assure que celles et ceux qui appliqueront ce qu’il propose en formation verront leur production doubler. Et celles et ceux qui se lanceront auront rapidement un revenu. Il est d’accord pour être payé après coup avec du miel que lui donneront les apiculteurs formés. C’est donc un bon exemple de formation et de financement. Toutes les personnes formées, dont les femmes rencontrées précédemment (voir actualité x) constitueront un groupe d’entraide pour que tous réussissent dans la mise en œuvre.

Pour le financement, on peut aussi travailler avec les AVEC (Associations villageoises d’Epargne et de crédit).

 

La couturière déclare qu’elle peut fabriquer des tenues si on lui donne des modèles. Un autre participant pourra produire des ruches kenyanes. Bon exemple montrant comment chacun gagne avec les autres.

 

L’idée est aussi lancée d’ouvrir à Kalehe un magasin qui commercialisera le miel produit, ainsi que d’autres produits locaux.

Comme j’ai pu venir avec une petite somme que m’a confiée le groupe Confluences-Kivu, je m’en suis servi pour payer le déplacement et l’hébergement de Michel Jandarme (qui n’a pas été rémunéré), ainsi que la tenue et les équipements qu’il a apportés : une tenue de protection, un enfumoir, une brosse et un lève-cadre. Ces équipements sont remis à un des participants pour pouvoir servir à tous ceux qui en auront besoin. (Photo 1)

Je me dis que, franchement, l’aide internationale ainsi apportée par la solidarité à la base est bien mieux utilisée que les lourds financements descendant des lourdes institutions.

 

A l’exemple de l’apiculture, le Groupe local en animant ATEA peut voir comment, dans d’autres productions, les entrepreneurs peuvent s’organiser, se former et trouver des financements. On montre ainsi tout l'intérêt et la vitalité du RIEH au Kivu, puisque Michel Jandarme fait partie du Groupe local de Bukavu.

 

En réfléchissant ensuite à cette réunion, je me rappelle un débat que nous avons eu lorsque nous avons écrit le livre « Chemins d’économie humaine ». Je pensais, et je pense toujours, que dans la vision de la société que nous portons « Toutes et tous sont entrepreneurs ». Je veux dire pas là que la société pour tout l’homme et pour tous les hommes, non seulement les besoins de chacun et de tous sont satisfaits mais ils le sont par le travail de chacun et de tous. Et le travail c’est la capacité de l’être humain à mobiliser ses ressources que sont la créativité, l’énergie, les connaissances, les techniques, les savoirs faire et le savoir-faire-ensemble et les ressources que lui offrent la nature et le vivant dont il fait partie pour répondre à ses besoins et humaniser son environnement. Laudato Si' parle de prolonger la création. Travailler, c’est entreprendre, c’est l’affaire de toutes et tous, à la fois un droit et une responsabilité.

 

Chez nous en Europe, surtout dans la gauche à laquelle j’appartiens, les entrepreneurs sont des exploiteurs à la fois des hommes qu’ils font travailler et de la nature qu’ils dévastent. Ici en Afrique tout le monde veut être entrepreneur. C’est une force et une leçon pour nous.

 

Certes ici en Afrique, il faut sortir de l’informel, mais pas en transformant tous ces entrepreneurs en salariés et en fonctionnaires. Dans le modèle à construire, chacun doit continuer à faire preuve d’ingéniosité pour servir ses propres intérêts, à condition que ce ne soit pas au détriment des autres, mais avec eux. Et, chaque fois que c’est possible – et c’est très souvent possible – en servant à la fois ses propres intérêts et ceux de la communauté, comme on dit ici. Chez nous on parle plutôt de l’intérêt général ou de l’intérêt commun.

 

Alors, apprenons de l’Afrique ! Vivent les entrepreneurs !

 

 

Michel TISSIER

 

 

 

 

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