Le projet « Mobilisation territoriale pour la souveraineté alimentaire en Haïti » consiste à promouvoir la production, la transformation et la commercialisation de produits alimentaires locaux de qualité, en quantité suffisante, en accès constant, adaptés aux traditions locales, à des prix accessibles à une population disposant de très faibles revenus, tout en réduisant les effets néfastes sur les équilibres écologiques.
Le dispositif proposé s’organise au niveau local dans un Plan alimentaire territorial, piloté par un comité local, avec la participation des autorités locales. Il implique la collaboration entre des réseaux financeurs, à travers des associations d’épargne et de crédit solidaires (AECS) portées principalement par des femmes, des réseaux fournisseurs de produits agricoles, des entreprises de transformation et des réseaux distributeurs.
L’objectif général du projet est d’accompagner des populations locales ancrés dans des territoires donnés en Haïti dans la satisfaction de leurs besoins alimentaires.
Participants/.es directs/.es au projet : associations d’épargne et de crédit solidaires, organisations paysannes, entreprises de transformation agroalimentaire, réseaux de commerçantes / commerçants.
Participants / es indirects / es au projet : ménages à faibles revenus, notamment en milieu rural.
Autres parties prenantes : les autorités locales, les confessions religieuses, les leaders d’opinion, les radios communautaires.
Trois sites dans les communes de Marigot (département du Sud-Est), Verrettes (département de l’Artibonite) et Jean Rabel (département du Nord-Ouest) en Haïti.
Institut culturel Karl Lévêque (ICKL) : Centre d’intervention sociale et de recherche-action en éducation populaire. Il a de longues expériences en économie sociale et solidaire, renforcement de capacités, réseautage et concertation multi-acteurs/actrices.
Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen (TK-Marigot) : Il s’agit de la structure communale de l’organisation paysanne nationale Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen à Marigo (TK-Marigot) dans le département du Sud-Est.
Lite pou Demen Nou (LIDE-N) : LIDE-N est une organisation d’accompagnement basée et intervenant principalement à Jean Rabel dans le département du Nord-Ouest. Elle travaille dans les domaines de l’agroécologie, l’équité de genre et l’accompagnement d’associations de femmes dans la gestion d’une entreprise sociale de transformation agroalimentaire.
Fondasyon Sè Dadou : Elle est une structure d’accompagnement d’association paysanne à Verrettes dans le département de l’Artibonite. Ses engagements portent particulièrement sur l’accès la terre, l’accès aux intrants agricoles, la gestion des récoltes et l’accès à la scolarisation en milieu rural.
Développement & Civilisations (D&C) : D&C anime le Réseau international pour une Economie humaine auquel appartient l’ICKL. Elle est porteuse des leçons de nombreuses actions de développement intégral de la personne humaine menées sur 4 continents depuis les années de la décolonisation jusqu’à nos jours.
Le projet est guidé par une logique d’intervention fondée sur les axes suivants :
1- La mobilisation d’un ensemble de ressources et compétences locales sur la base d’un ancrage territorial pour répondre à un besoin vital. La logique est celle de la coopération entre acteurs dans une planification locale négociée.
Le projet procédera par un travail de réseautage entre des actrices et acteurs dont les potentialités ne sont pas exploitables de façon efficiente en dehors d’une collaboration systématique : associations d’épargne et de crédit solidaires, associations paysannes, entreprises sociales de transformation et commerçantes/ commerçants.
2- La diffusion de techniques de transformation déjà expérimentées, mais qui doivent être employées à large échelle.
3- La promotion d’une inspiration fondée sur l’économie humaine : engagement de chacun pour apporter des solutions collectives aux problèmes communs.
Les résultats attendus à l’issue du projet sont présentés par catégorie d’acteurs/actrices concernés /es dans la mobilisation territoriale en faveur de la souveraineté alimentaire en Haïti.
Les producteurs / productrices agricoles
1a. Les paysans du territoire cultivent en quantité suffisante, avec la qualité requise et selon des méthodes agroécologiques, les produits agricoles destinés à être transformés.
1b. Les produits agricoles ne sont pas perdus.
1c. Les paysans tirent de la vente de ces produits des revenus leur permettant de vivre dignement.
1d. Les paysans sont organisés pour se soutenir mutuellement, pour bénéficier d’une formation et d’un accompagnement technique, pour négocier des conventions avec les entreprises de transformation et avec les AECS.
Les entreprises de transformation
2a. Les entreprises de transformation utilisent des produits locaux.
2b. Elles transforment ces produits locaux avec des techniques n’utilisant pas le bois de chauffage ni le charbon de bois et selon des recettes assurant la qualité nutritive.
2c. Les quantités qu’elle produisent, répondent aux besoins de la population du territoire.
2d. Elles vendent leurs produits à un prix accessible pour la population du territoire concerné.
2e. Le modèle économique des entreprises de transformation est soutenable.
2f. Les entreprises de production sont organisées pour se soutenir mutuellement tout en acceptant les règles d’une saine concurrence, pour bénéficier d’une formation et d’un accompagnement technique, pour négocier des conventions avec les producteurs agricoles, les AECS et les organisations de distributrices.
Les réseaux financeurs : les AECS
3a. Les AECS financent durablement les investissements des producteurs agricoles et des entreprises de transformation.
3b. La totalité de l’épargne des AECS est engagée, dont une partie dans des entreprises sociales de production.
3c. Les revenus des membres des AECS s’accroissent.
3d. Les AECS du territoire sont organisées pour se soutenir mutuellement et pour négocier des conventions avec les producteurs agricoles et les entreprises de transformation.
Les réseaux de distributrices/distributeurs
4a. La distribution des produits transformés permet d’atteindre tous les ménages du territoire, quel que soit leur lieu d’habitation.
4b. Les modes de distribution assurent la qualité des produits distribués.
4c. Le prix des produits permet à la fois que ceux-ci soient accessibles aux ménages y compris les plus pauvres et que les distributrices tirent un revenu décent de leur activité.
4d. Les distributrices / distributeurs sont organisées pour se soutenir mutuellement et négocier des conventions avec les entreprises de transformation.
Les instances territoriales
5. Sur chaque site une instance de concertation placée sous l’autorité des pouvoirs publics locaux et réunissant les différents acteurs, adopte un plan d’alimentation territorial, suit sa réalisation, analyse des conditions de mise en oeuvre et propose les mesures nécessaires pour surmonter les problèmes rencontrés.
L’action proposée est fondée sur des potentialités locales :
- Des produits agricoles (tubercules et fruits) disponibles en grande quantité selon les saisons, avec beaucoup de pertes post-récolte : pomme de terre, banane, fruit à pain (dans le Sud-Est), manioc et banane (dans l’Artibonite), fruit à pain et surtout banane (dans le Nord-Ouest), mangue dans les 3 départements ;
- Des épargnes solidaires en extension, mais improductives jusqu’ici ;
- Une technologie simple adaptée aux ressources locales et susceptible de réduire les effets négatifs de la transformation agroalimentaire sur la biodiversité ;
- Une logique de circuit court qui permettra de limiter les difficultés d’approvisionnement en matières premières (notamment à cause des crises sociopolitiques récurrentes) et de conservation des produits finis.
Par ailleurs, l’action contribuera à générer des revenus stables tant pour les associations d’épargne et de crédit solidaires, les réseaux fournisseurs en produits agricoles que pour les entreprises de transformation et les réseaux distributeurs. Les femmes sont particulièrement ciblées par ces revenus, sachant qu’elles sont principalement concernées par les associations de base d’épargne et de crédit et la commercialisation des produits vivriers. Cette augmentation de revenus permettra de soulager les femmes dans les tâches domestiques car plus elles disposent de ressources, moins ces tâches sont pénibles. Par ailleurs, l’augmentation des revenus des femmes constituera une reconnaissance de la contribution de celles-ci à l’économie nationale et à la société haïtienne en général.
Ce qui fait particulièrement la pertinence du projet, c’est le fait qu’il propose un dispositif innovant axé sur la mobilisation territoriale. En effet, comme indiqué précédemment, la collaboration systématique entre des réseaux financeurs, fournisseurs, transformateurs et distributeurs est préconisée dans une logique de circuit court, donc dans des collectivités territoriales clairement délimitées. Cela implique la participation active des autorités locales (en particulier au niveau des municipalités et l’administration des sections communales) et des organisations d’intervention sociale. Cette mobilisation territoriale constitue un gage de viabilité pour la solution innovante proposée en ce sens qu’elle offre l’occasion de réunir le plus de ressources et compétences possibles pour relever des défis communs.