A l’occasion de la réunion de la COP 27 au Caire, trois représentants des églises chrétiennes de France, catholique, protestante et orthodoxe ont communiqué au Président de la République une « adresse œcuménique » où ils expriment des positions que le Réseau international pour une Economie humaine fait tout à fait siennes.
En effet, le texte souligne que les changements à opérer pour que la terre reste habitable, la fameuse « transition », n’appelle pas seulement un ensemble de mesures techniques, mais une conversion, à la fois personnelle et collective, à la sobriété.
Cette dernière n’est donc pas une contrainte, imposée par les circonstances et qu’on voudrait passagère. C’est l’opposé de la démesure, de « l’hubris » qui fixe comme objectif et comme règle d’accumuler toujours davantage de biens et de pouvoir, sans prendre en compte la finalité de la vie de chaque personne humaine, de chaque société et de l’humanité toute entière.
Cette finalité, c’est ce qui constitue pour chacun personnellement et pour nous tous collectivement l’essentiel, ce pour quoi il vaut la peine de vivre et de mourir. Les définitions de ce qu’est l’essentiel varient selon les cultures et selon la vision et l’histoire personnelles. Et cette diversité doit être respectée. L’essentiel est dans la quête jamais achevée de ce qui est Vrai, Beau et Bien. Mais il n’est pas dans l’accumulation sans fin de l’argent, des biens et du pouvoir. Il n’est pas dans le gonflement de l’ego, personnel, tribal ou national mais dans la relation et la coopération. Pas dans l’exploitation de la nature, mais dans notre capacité à danser avec elle.
L’adresse fait une référence à l’« application d’indicateurs de prospérité et de bien-être alternatifs qui prennent en compte l’intégralité des conditions économiques, sociales et écologiques ». Définir ces indicateurs et agir pour leur évolution positive, voilà un beau programme pour les groupes locaux du RIEH, pour ses coordinations continentales et pour le réseau international dans son ensemble.
En s’exprimant ainsi, les responsables chrétiens français ne parlent pas pour leur chapelle, mais pour tout le genre humain. Le site du RIEH accueillera volontiers des expressions issues d’autres confessions, d’autres convictions et d’autres cultures. La conversion à laquelle appelle ce texte doit être celle de tous les citoyens de toutes les nations, dans leur pluriversalité. Qu’elle soit la plus profonde et la plus large possible est une condition pour que les chefs d’Etat prennent ensemble les bonnes décisions.
« Nous craignons qu’au-delà d’une écologie reposant avant tout sur une approche technique, ces premiers pas ne prennent pas le chemin d’un véritable et nécessaire changement de paradigme, d’une mutation culturelle qui changerait notre rapport utilitaire à la nature, notre définition économiciste du progrès et notre compréhension matérialiste du bien-vivre.
L’enjeu est plus profond. Pour que l’influence aujourd’hui première de l'être humain sur son environnement, notamment sur le climat et la biosphère, puisse contribuer à préserver une Terre habitable, pour respecter l’accord de Paris et son objectif de rester sous les 1,5°C de réchauffement, pour arrêter la sixième extinction de masse des espèces, une vraie « conversion » écologique est requise.
Si ce mot vient de l’Évangile, vous en saisirez l’esprit, qui parle à tous : changer de regard, retourner l’être, transformer le système et les modes de vie. S’il serait absurde de se priver de l’intelligence et de l’efficacité, il serait tout aussi vain de rester sourd au rappel à la finitude que nous adresse la nature avec le dépassement des limites planétaires. Nous devons embrasser la révolution de la sobriété.
Le Pape François, pour sa part, défend que « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance »1. Le Conseil œcuménique des Églises, rassemblant plus de 580 millions de protestants, d’orthodoxes, d’anglicans et d’autres Églises au niveau mondial, appelle, de son côté, à l’« application d’indicateurs de prospérité et de bien-être alternatifs, qui prennent en compte l’intégralité des conditions économiques, sociales et écologiques »2 .
Nous vous appelons à promouvoir la sobriété, non comme une pause exigée par le contexte géopolitique et une tension sur les ressources, mais comme une vision et une partie intégrale de la conversion, au visage vertueux, bénéfique et désirable.
La sobriété est promesse de nouvelles abondances. En inventant, dans un mouvement libre, des formes de frugalité choisies, responsables et solidaires, qui commencent avec ceux dont l’empreinte écologique est la plus lourde, nous trouverons un enthousiasme fécond. Car savoir jouir des choses simples, ralentir, partager, rendre des espaces, du silence et la nuit aux plantes et aux animaux, en cela résident plus de créativité, plus de liens, plus de profondeur, plus de gratitude, plus de vivants, plus de beauté, et au total, plus de joie. La modération n’est pas l’autre nom de la frustration, mais la chance de nouveaux épanouissements.
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1 Pape François, Encyclique Laudato Si’, paragraphe 193, 2015.
2 Conseil œcuménique des Églises, The Living Planet: Seeking a Just and Sustainable Community, 2022