Il est largement démontré que la prospérité d'un lieu ne dépend pas de sa taille, ni de son climat, ni de ses ressources, de la couleur de la peau de son peuple, de la langue, de la religion, ni de son passé, glorieux ou non, ni de son ancienneté. De quoi dépend alors qu’une communauté, une société ou un pays est développé ou sous-développé? Quels sont les facteurs ou les processus qui conduisent au succès ou à l'échec d'une communauté? Ce sont des questions qui ont été traitées par de nombreuses personnes et institutions, en particulier à partir de la révolution industrielle lorsque la différence de niveau socio-économique entre différents territoires augmentait de manière exponentielle.
Les recherches menées il y a longtemps par Adam Smith, Gunnar MyRdal et Schumpeter, ou plus récemment par Robert Putnam, Douglas Nord, Francis Fukuyama, Amartya Sen, Martha Nussbaum, Elinor Ostrom, Daron Acemoglu et James A. Robinson, parmi beaucoup d'autres, l’ont clairement défini. En Amérique latine, ressortent les contributions de Manfred Max-Neef, Antonio Elizalde et Martín Hopenhayn, avec son livre "Développement à échelle humaine", ainsi que les documents du Centre d'intégration et de coopération latino-américains (CELADIC). Le Programme des Nations Unies pour le développement a produit des rapports brillants sur le sujet ainsi que «les objectifs de développement durable» des Nations Unies, qui apportent des réponses à ces questions.
Nous devons divers acquis à l'Église catholique depuis l'encyclique "Rerum Novarum" du pape Leo XIII en 1891, passant par Paul VI dans l'encyclique "Populorum Progresso" et l'excellent pape François avec "Laudato Si", sans compter les précieuses contributions des conférences épiscopales de l'Amérique latine, en particulier pour les textes de Puebla, Medellín et Aparecida.
Il est nécessaire de préciser que le sujet n'est pas simple, tout au contraire, sa complexité permet d'affirmer que la situation de progrès ou de retard d'une communauté n'a généralement pas une seule explication ou une seule cause, mais résulte d’un certain nombre de facteurs et de processus, certains mêmes tenant au hasard. Mais toutes ces études ont des points communs et c'est précisément ce qui est intéressant de correctement évaluer, afin d'être plus clair pour situer quelles routes mènent probablement au succès ou à la ruine.
Comme point de départ, il est préférable d'affirmer de prime abord, qu'aucun lieu, n'est voué à la réussite ou à l’échec. Même dans les pays pauvres, il existe des cas de réussite, tout comme dans les pays développés, on trouve des cas de communautés pauvres. Il existe également des expériences de sociétés réussies qui échouent plus tard, ou de sociétés défaillantes qui, après un processus approprié, réussissent. Cela conduit à la conviction que la responsabilité de ces processus vertueux ou pervers est liée aux personnes et aux institutions qu'elles créent, de l'intelligence ou de la bêtise de ses citoyens, ou il faut le dire, du caractère bon ou mauvais de ses dirigeants.
Ces auteurs démontrent avec diverses études de cas que la prospérité des pays qui réussissent dépend de la force de leurs institutions, ou du degré de confiance dans la société, de l'esprit d'entreprise de leur peuple et de l'environnement pour le déployer, de la culture citoyenne, de la sécurité juridique, des systèmes politiques pluralistes respectueux de la diversité et dotés d'une société civile organisée. Ce sont des pays où règnent la démocratie et la liberté. Il existe des facteurs qui gênèrent des "cercles vertueux", c'est-à-dire des spirales ou des "boucles" qui en se répercutant, créés de plus en plus d'effets positifs, qui renforcent les processus de promotion et de bien-être.
Les pays échouent et la pauvreté s'étend lorsque leurs institutions économiques sont « extractives », c'est-à-dire spéculatives, corrompues et concentrent la richesse de quelques-uns. Ils ont des systèmes politiques autoritaires et concentrent le pouvoir entre les mains d'une élite qui agit presque sans restriction. Il n'y a pas de confiance entre les différents acteurs sociaux, l'état de droit est faible et il existe des restrictions à l'exercice de la démocratie et de la liberté.
Là, dans ces pays avec ces déficiences institutionnelles, se produisent des cercles vicieux ou malins, qui agissent dans un sens négatif, renforçant les mécanismes pervers qui conduisent à l'échec : autoritarisme, corruption, méfiance, spéculation et autres maux.
Les chemins de la prospérité sont clairs. Ceux de l'échec aussi. Les pays qui choisissent la liberté, la démocratie, l'ouverture économique, le respect de la propriété privée avec une supervision étatique transparente pour éviter les abus, la décentralisation, une éducation de qualité et d'autres politiques qui favorisent l'innovation et l'entrepreneuriat des personnes sont sur la voie de la prospérité.
Toutes ces vertus de confiance, de participation organisée de la société aux affaires publiques, d'institutions solides, de conscience civique et citoyenne, les valeurs éthiques prédominantes, l'exercice responsable de la démocratie et de la liberté, sont appelées « capital social ». Ces valeurs ne sont le patrimoine héréditaire d'aucun groupe social, ni la dotation naturelle d'un lieu ou d'un pays.
Ce sont des vertus qui se construisent, non pas avec de l'argent, de la ferraille et du béton, mais avec la parole, un formidable outil dont tous les êtres humains sont dotés. Il y a des manières de le faire, il y a des techniques adaptées et elles partent toutes de savoir écouter et parler, une affaire bien plus complexe que la construction d'un bâtiment. En fin de compte, le succès ou l'échec d'un territoire, d'une communauté ou d'un pays, ne dépend que de la qualité avec laquelle ses habitants se considèrent les uns les autres.
« Le développement dans la liberté est essentiel pour évaluer le niveau de croissance d'une nation.
Celle-ci doit être mesurée en fonction du niveau de vie de ses citoyens et de leur capacité à être libres. "
Amartya Sén. Prix Princesse des Asturies en sciences sociales 2021. Prix Nobel d'économie 1998.