Cet après-midi, nous nous sommes séparés sur les 4 coins du territoire… La commune Le Mené est la plus étendue de Bretagne donc 13 km a pu séparer deux ateliers. Pour ma part « L’implication des citoyens » fut l’atelier choisi pour la journée avec la problématique soulevée « Comment peut-on mobiliser les gens sur la transition énergétique ? ». Après une remise à niveau ce matin, intéressante certes, mais un peu lisse pour les plus férus d’entre nous, le programme de l’après-midi intitulé « Modalités de co-construction » apportait son lot de promesses.
On nous a parlé des « Conversations carbone » comme une puissante méthode d'animation de groupe pour faciliter, par l'apprentissage mutuel et le partage de valeurs, l'adoption de mesures concrètes de lutte contre le changement climatique ancré dans le quotidien. Cela repose sur un petit groupe de vies qui passe à l’action, on les accompagne dans leur cheminement, pour changer leurs habitudes…
Et puis des phrases retenues à la croisée des discussions :
- « Il y a des gens qui pensent que l’écologie, ce n’est que pour les gens riches »
- « Sortir de l’entre soi est une nécessité »
- « Pour parler de la transition à des publics éloignés de ces enjeux, il faut casser les codes, changer de regard, c’est bien souvent un problème de vocabulaire… »
- « On devrait pouvoir inscrire les financements d’une opération comme « La transition prend ses quartiers », dans un temps long, 3 ans par exemple pour préparer l’après…»
- « La transition c’est comme l’éducation, cela devrait être retenue comme de l’investissement ! »
- « Avec la transition prend ses quartiers à Malaunay nous aurons ouvert la voie à un mode de fonctionnement qui ne pourra plus nous quitter : inventer ensemble un nouveau jardin des possibles. »
…
Michel est revenu de sa journée en ayant notifié des intitulés un peu compliqués :
« Initier et faire vivre un écosystème territorial coopératif pour agir en complexité »
« Stratégies systémiques et coopératives de transitions territoriales »
« Ingénierie de la conduite du changement systémique en partant du réel »
« On a peur de se perdre dans des débats bien théoriques. Mais on a tort. Tous les intervenants qui présentent leur expérience sont tout à la fois des manieurs de concepts et des praticiens de l’action collective. Souvent en plus, ils sont experts dans un domaine technique et presque toujours des militants… Toujours des pédagogues et des animateurs.
Ils n’hésitent pas à parler aussi des tentatives qui ont échoué.
Ils se sont dotés d’outils qu’ils présentent avec modestie et détermination. Sans prétendre que ce sont des modèles très robustes, mais convaincus, parce qu’ils en ont fait l’expérience, qu’ils aident à s’interroger, à prendre en compte des aspects d’un problème, d’une situation, d’une action auxquels on n’est pas spontanément attentifs.
Des ateliers où s’exerce et se développe la capacité à tirer des enseignements de son expérience.
Sans employer le mot ils pratiquent la recherche-action auxquels sont attachés les porteurs de l’économie humaine. »
Des histoires de territoires, des histoires de personnes
Voici Anaïs. Elle raconte qu’elle a fait des études de chimie, dont elle a notamment retenu le principe : « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Après ses études, elle trouve un poste de cadre en CDI dans un laboratoire qui teste le degré de radioactivité dans divers produits. Elle gagne bien sa vie, mais elle s’ennuie. Elle décide de saisir une opportunité pour reprendre une entreprise de lombriculture, qui permet de transformer du carton en engrais organique grâce à la culture de vers de terre. Avec son compagnon, ils apprennent la technique auprès d’un artisan. Malgré l’échec de la reprise pour des problèmes juridiques, ils créent leur propre entreprise. Ils s’installent dans Le Mené. Quand ils sont contactés pour l’opération Grand Défi, qui vise à mobiliser les citoyens pour définir des projets environnementaux, elle accepte de coacher un groupe de commerçants sur les conditions dans lesquelles ils peuvent recycler les déchets de leur activité, notamment les cartons. Le groupe décide de s’appeler « les décartonnés ». Elle n’avait pas de problème à résoudre personnellement, car son entreprise ne produit pas de déchets. Mais elle est motivée pour mettre son savoir-faire et son expérience au service d’un projet collectif.
Voici Dominique, il raconte comment avec quelques amis ils ont restauré des maisons délabrés dans un hameau, pour qu’elles soient belles et bien isolées. Et ils les ont reliées par un réseau de chaleur alimenté par les déchets de bois issus de l’entretien des bocages, des taillis et des zones boisées. Ce bois est fourni gratuitement par les agriculteurs qui doivent entretenir ces espaces et ne veulent pas brûler les déchets pour ne pas aggraver l’émission de gaz à effet de serre. 20 ans après le réseau de chaleur fonctionne toujours. Ils vont remplacer la chaudière. Grâce à ce système chaque maison est chauffée pour moins de 50€ par mois. Les maisons sont louées à des prix qui les rendent très accessibles aux personnes à faible revenu. Le hameau est beau et les paysages sont bien entretenus. Beaucoup de personnes veulent venir y habiter. Voilà un bien commun gérer par des personnes privées soucieuses à la fois de la qualité de leur vie et de celle des autres personnes qui habitent leur territoire.
L’économie humaine, ce sont aussi des choses toutes simples.
Michel Tissier & Marie Grippaudo