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Réseau des femmes croyantes, médiatrices de la paix
 

 

Non, ce n’est pas une organisation confessionnelle, dirigée par des clercs, qui mène des actions caritatives, comme son nom semble l’indiquer.


Certes elles affichent leur foi, mais elles appartiennent aux trois confessions très majoritaires dans tout le pays : catholiques, musulmanes, protestantes. C’est même une caractéristique statutaire, puisque l’association est obligatoirement dirigée par une Présidente et deux vice-Présidentes appartenant à chacune de ces trois religions. Elles ne sont reliées à aucune église, chapelle ou mosquée. Elles ne sont pas dirigées par un pasteur, un imam ou un évêque.


Et si la foi les rassemble c’est pour les pousser à agir dans la société, agir comme médiatrices de la paix. La religion telle qu’elles la vivent et la pratiquent ne vise pas à donner accès à une autre vie compensant les misères de ce bas monde, mais à s’engager dans celui-ci pour qu’il s’organise autour des valeurs de paix, de résolution pacifique des conflits, de solidarité pour prendre en charge les situations d’abandon sociales qui sont les racines de la violence.


Les conditions de naissance de l’association sont significatives de ce qu’elle est et de ce qu’elle veut. En décembre 1996, une grave crise est à son comble entre l’armée qui s’est mutinée pour exiger des augmentations de salaires et le Président Patassé. L’armée a donné un ultimatum le 22 décembre pour obtenir satisfaction et menacé de faire sauter les réserves pétrolières qui sont sous son contrôle.

 

Trois femmes, formatrices dans une école d’infirmières, décident d’intervenir.

 

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Toutes trois catholiques, elles obtiennent la participation de femmes des deux autres confessions.

 

Ensemble, après avoir organisé un rassemblement de prière, elles s’adressent à l’opinion publique et à chacun des deux camps et une trêve est signée le jour même où expire l’ultimatum. C’est ainsi que les responsables actuelles de l’association que j’ai rencontrées, Valérie, Mariam et Arlette, racontent l’histoire. Certes beaucoup d’autres institutions ont tenté d’obtenir un accord, mais elles considèrent que leur intervention comme mouvement de femmes croyantes a été décisive. Le mouvement ainsi constitué de façon informelle va se prolonger et finir en 1999 par prendre une forme d’organisation officiellement  reconnue. Depuis 2001, des hommes aussi en font partie.

 


L’association se propose d’agir sur la cohésion sociale en étant le vecteur de valeurs communes.

Citons quelques uns de ses objectifs.

 

« Promouvoir chez les femmes et les hommes de différentes croyances un esprit d’unité, promouvoir une éthique de fraternité et de solidarité » ;
« Promouvoir l’amour du prochain, l’acceptation de la différence dans le respect de l’autre » ;
« Promouvoir la dignité humaine par l’éducation spirituelle, morale et civique ».

 

 

L’association ne dispose que des cotisations de ses membres et du revenu de la vente des produits d’un champ que les militantes cultivent.

 

Elle compte aujourd’hui plus de 1000 médiatrices et médiateurs de la paix, à Bangui et dans six régions, où elle cherche actuellement à disposer d’un local. Ces militantes et militants, formées à la médiation dans les conflits mènent des campagnes de sensibilisation pour s’inscrire sur les listes électorales, pour voter lors des élections, car l’association considère que la démocratie est une condition de la paix. Des campagnes aussi sur le dépistage précoce du VIH. Ces campagnes, ce sont des opérations de porte à porte, de contacts dans la rue et la capacité de l’association à occuper ainsi le terrain est déterminante.L’association organise des ateliers, des conférences pour la paix et le développement durable. Elle organise aussi des rencontres culturelles de partage (contes, danses, artisanat)

 

L’association prend position dans la presse sur les conditions de la paix. Elle a récemment dénoncé le fait que les pourparlers pour un accord de paix se tiennent à Khartoum et non pas en RCA, en privilégiant les responsables de la guerre et de la violence aux dépens des victimes, des déplacés et de toutes les forces de l’intérieur du pays qui veulent restaurer le vivre ensemble. Elle refuse avec force une amnistie sans justice, où les responsables des tueries et des atrocités sans même reconnaître leurs crimes accèderaient au pouvoir.


Valérie, Mariam et Arlette font part de leur foi commune en Dieu, même si chaque religion se relie à Lui par des voies différentes. Pour l’essentiel elles sont d’accord. Ce que Dieu attend de l’homme, c’est qu’il vive dans une société solidaire où chacun satisfait durablement ses besoins essentiels. Elles citent « les cinq verbes de Boganda », le père fondateur de la RCA : nourrir, loger, vêtir, soigner, instruire. Pour elles, c’est ainsi que la société doit être organisée et c’est aussi la volonté divine. Elles agissent et elles ont confiance en Dieu pour que leur action soit un succès.


Elles vivent cependant très durement les changements intervenus avec la crise. Elles expliquent qu’elles ont connu la période où la cohabitation entre religions était paisible. Les traditions voulaient que dans les quartiers les grandes fêtes chrétiennes comme Noël et Pâques et les grandes fêtes musulmanes comme le Ramadhan ou l’Aïd el Kbir soient aussi célébrées par les croyants de l’autre religion. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et la personne qui voudrait le faire subirait une lourde condamnation de la part de sa communauté. Le choix de la religion qu’elles décrivent comme relevant auparavant d’une décision individuelle – au point que de deux sœurs jumelles, l’une était musulmane, l’autre chrétienne - est désormais assigné par la communauté.


Pourra-t-on retrouver cette cohabitation paisible même après la fin des violences ?

Ce sera manifestement très difficile, mais ces médiatrices de la paix y croient.

 

Michel TISSIER , Bangui, 1 février 2019

 

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