par une Centrafricaine travaillant en France comme assistante sociale, Mme Edwige ZOE BONDRA et un avocat de RDC, Ghislain MABANGA, avocat auprès de la Cour Pénale Internationale. En RCA, c’est une association officiellement enregistrée, dont la présidente est Hélène NZINGAZO, elle aussi une ancienne assistante sociale centrafricaine ayant longtemps travaillé en France et qui est maintenant retournée à Bangui.
J’ai été reçu par une dizaine de membres, femmes mais aussi hommes, bénévoles, qui ont tous dit s’être engagés dans l’association, parce qu’ils ont été sidérés par la monstruosité de la violence, qui ne correspond en rien à leur vision de la société et du pays et qu’ils voulaient agir pour reconstruire les bases du vivre ensemble.
La démarche suivie en RCA a été de se rendre là où étaient regroupées les personnes déplacées qui avaient dû s’enfuir de leur habitation dans les différents quartiers de Bangui et avaient été regroupés sur la zone de l’aéroport international de M’poko où elles vivaient dans des conditions d’une grande précarité. Et de commencer par écouter ce que disaient ces personnes et d’identifier leurs besoins. Cela reste une démarche de base de l’association : aller sur le terrain, se rendre dans les zones y compris celles réputées les plus dangereuses, non pas du fait des groupes armées qui se sont constitués dans tout le pays, mais de la violence quotidienne. Et permettre aux victimes, qui sont parfois d ‘anciens bourreaux et qui risquent de le redevenir de s’exprimer, d’être entendues.
Il est d’ailleurs remarquable que cette pratique de terrain a conduit l’association à s’adresser aux anciens enfants soldats « démobilisés », censés être en reconversion mais en fait laissés à eux-mêmes et au désœuvrement, d’autant plus attirés par le retour à la violence qu’ils ont très mauvaise réputation au sein de la population.
Un des modes d’action privilégié est de mettre à disposition un terrain pour pratiquer le maraîchage qui, compte tenu des bonnes conditions climatiques et de fertilité des sols, peut assez rapidement générer un revenu. Une autre est d’organiser une tontine où chacun cotise régulièrement une petite somme, dont l’accumulation permet d’apporter un capital significatif à un des membres.
La formation est une activité importante avec deux volets : l’alphabétisation et la formation aux activités génératrices de revenus : maraîchage, tricotage, couture, aviculture.
Deux autres activités méritent d’être mentionnées car elles sont bien adaptées au contexte : l’organisation de matchs de foot pour les garçons et de danses traditionnelles pour les filles. Les militants notent que c’est souvent par de telles activités que les jeunes sortent du désœuvrement et deviennent motivés pour reprendre une formation ou se lancer dans une activité économique.
Il faut noter que toutes ces actions sont relativement peu onéreuses, l’association ne bénéficiant que de très peu de subventions. Elle agit surtout grâce aux cotisations des membres et envisage d’ailleurs de pratiquer pour elle-même le maraîchage.
Il est frappant de voir que la prise en charge des femmes victimes de violences n’apparaît pas au premier rang des activités.
La principale raison est que les femmes concernées le plus souvent n’en parlent pas.
Ce n’est que peu à peu avec la confiance gagnée par les activités menées en commun que peut émerger l’expression de la souffrance. Les militantes jouent alors un rôle d’écoute. Elle les oriente en fonction des besoins vers l’Association des femmes juristes ou vers l’UMIRR, unité mixte d'intervention rapide et de répression des violences basées sur le genre.
La reconstruction du pays, ne passe-t-elle pas d’abord par ce travail de présence sur le terrain, d’écoute, de propositions d’actions collectives accessibles facilement à toute la population que mènent les militantes et les militants de Femmes en danger ?
Michel TISSIER, Bangui, 31 janvier 2018