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COVID-19 / Clés pour un monde de l'après-Corona !
 

Antoine Sondag, est administrateur du RIEH et rédacteur en chef de notre revue Développement et civilisations. A l'heure du coronavirus, il partage avec nous sa réflexion sur le monde d'après...

 

 

 

Entre l’universalisme et le repli sur ses intérêts nationaux

 

Rien n’illustre mieux l’unification du monde que l’actuelle pandémie. Personne n’est à l’abri du virus. Quatre milliards d’individus sont confinés. Tous les continents, toutes les cultures, tous les niveaux de richesse.

En même temps, on voit bien que les manières de vivre la pandémie et surtout le confinement (en attendant la crise économique et sociale à venir) restent très variables.

Entre un modèle autoritaire de gestion de la crise sanitaire et un modèle démocratique : Chine versus Corée du sud. Certains profitent de la crise sanitaire pour renforcer les contrôles étatiques, la mise sous tutelle de l’information, la chasse aux opposants : Turquie, Inde, Algérie… D’autres estiment que la transparence, la diffusion des acquis des scientifiques et de leurs doutes, le débat public sont les meilleurs ingrédients pour renforcer la confiance de la population : Allemagne, Taïwan…

La pandémie unifie-t-elle notre monde ? ou révèle-t-elle des clivages qui préexistaient et qui dessinent déjà plusieurs modèles de gestion de la crise sanitaire et économique à venir ?

La pandémie change-t-elle toutes choses dans notre monde ? ou bien ne fait-elle que renforcer et accélérer des évolutions déjà à l’œuvre : retrait des Etats-Unis du leadership mondial, affirmation de la Chine, hésitations européennes, volonté brouillonne de quelques nouveaux acteurs pour s’imposer sur la scène régionale ou mondiale : Brésil, Turquie, Inde… Large désintérêt des médias et des opinions publiques vis-à-vis de la situation de la pandémie dans les pays les plus pauvres : est-ce bien nouveau cela ?

 

 

Le grand retour de l’Etat

 

Partout, on se tourne vers l’Etat pour sauver ce qui doit l’être. Personne ne trouve rien à redire aux nationalisations de fait. L’idéologie de l’Etat minimum, la critique de l’Etat inefficace, les éloges des vertus du marché libre ont disparu. Tout le monde souhaite indemniser le chômage et éviter les faillites des grands groupes et des petites sociétés. Y compris le restaurant du coin de la rue. Ce n’est plus l’Etat providence de la social-démocratie ou des chrétiens-démocrates, c’est l’Etat brancardier qui intervient partout et au profit de tous.

 

 

 

La crise des institutions régionales et internationales

 

Les eurosceptiques ont beau jeu de souligner que l’Union européenne a été la grande absente dans la crise sanitaire. Eux qui n’avaient jamais voulu accorder à l’UE la moindre compétence en matière de santé. La crise sanitaire nous oblige-t-elle à tenir des discours cohérents ? Non, et cela n’est pas nouveau non plus.

A mesure que la crise économique et sociale prend le pas sur la crise sanitaire, on verra mieux qu’aucun Etat à lui seul n’est à la mesure du problème et qu’il va falloir actionner des leviers plus importants : G20, FMI, Banque Centrale Européenne et Union européenne, etc…

Comment gouverner ce monde qui n’a pas de gouvernement mondial ? Par un jeu subtil de concertation entre institutions internationales et grands pays. Renforcer les institutions internationales, même si elles sont imparfaites. Ce n’est pas en les quittant bruyamment qu’on améliorera le système…

A l’heure où il est devenu évident que des barrières de bois peintes en rouge et blanc aux frontières de nos États ne nous protègent pas des virus, il est plus évident encore que le salut passe par une coopération renforcée à l’échelle internationale. Au profit de tous, et donc aussi des plus démunis. C’est cela le principe de la responsabilité commune et différenciée. A chacun selon ses besoins, de chacun selon ses possibilités.

 

 

De la sécurité des territoires à la sécurité humaine

 

La catégorie de sécurité se trouve au centre de l’attention des États depuis un siècle ou trois siècles ou plus. Mais la sécurité à laquelle nous aspirons aujourd’hui n’est plus une sécurité des territoires : qu’aucun soldat étranger ne franchisse la fameuse barrière de bois rouge et blanc. Il s’agit aujourd’hui de la sécurité des personnes : que chacun de nous échappe aux risques majeurs de l’existence. Et ces risques majeurs ont les noms suivants : épidémie virale, maladie, chômage, pauvreté, catastrophe climatique… Les remèdes ont pour nom : accès aux structures de santé pour tous (car les maladies virales des pauvres menacent aussi la santé des riches, fallait-il le coronavirus pour nous apprendre cela ?), accès à l’emploi, des ressources monétaires de base pour tous, des efforts communs pour sauver ce qui ne peut être sauvé que par des mesures prises tous ensemble et au profit de tous … La sécurité doit nous prémunir contre les grands risques de l’existence. Sécurité des personnes et non seulement sécurité des territoires. L’Etat reste indispensable pour assurer ce bien commun, ce commun qu’est la sécurité : pas de sécurité pour les uns sans sécurité pour les autres, donc pour tous. Et seul l’Etat peut garantir cela. Mais pas un Etat isolé à l’abri de ses barrières rouges et blanches, mais un Etat qui coopère avec les autres États de la planète, et pour commencer avec les voisins…

Le coronavirus nous fait entrer de manière dramatique dans le monde du XXIe siècle. Ne cherchons pas à le penser et le façonner avec un imaginaire du XIXe siècle.

 

 

Antoine Sondag, 25 avril 2020, confiné à Villejuif

 


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