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VOYAGE A MADAGASCAR 2 Rencontres sur le terrain (FR)

VOYAGE A MADAGASCAR
 

 

VOYAGE A MADAGASCAR

taxi brousse

Ce voyage donne suite à la Rencontre internationale dans Le Mené « Du souffle pour nos territoires » en partenariat avec le territoire du Mené en Bretagne et qui s’est déroulé en juin 2018.

 

Parmi les participants à cet évènement, était présent André Geffroy administrateur à l’AFDI Bretagne (Association des paysans pour le développement international A.F.D.I.) qui a proposé au Mené et au RIEH de se joindre à un groupe d’élus bretons pour se rendre en voyage-découverte et d’observation à Madagascar du 1er au 17 octobre 2019.

Reconnue pour sa compétence à l’international leur axe de recherche-action est : « vivre dignement du métier de paysan ». L’association y est présente, notamment dans la région du Bongolava, depuis 1993, avec de nombreuses expériences réalisées en coopération avec les équipes de terrain (lien vers le site de l’APDI).

Après une observation de terrain, partagée, du travail de l’AFDI  la première semaine, Michel Tissier, le Secrétaire exécutif du RIEH a pris un chemin de traverse pour se rendre dans le village de Betapoaka, à plus d’une heure de piste du chef-lieu de la région, Fianarantsoa, à 400 km au sud de Antananarivo…

 

Une cantine qui a tout d'une école de la vie.

 

 

RIEH LOCALL'EH en marcheapport des buchesle refectoireles fours de Tsaracuisinières en tenue

Comme malheureusement dans beaucoup d’autres zones à Madagascar, l’école est une école FRAM, c'est-à-dire qu’elle vit exclusivement des moyens fournis par les parents ; non seulement pour le bâtiment, les équipements et les fournitures scolaires, mais aussi pour le salaire des enseignants, versé non pas en espèces, mais en sac de riz et de haricots. L’Etat est complètement absent et la municipalité est elle-même très pauvre. La population est totalement abandonnée à elle-même.

Dans ce contexte particulièrement dur à vivre et désespérant, un groupe de femmes a depuis plus de dix ans, pris l’initiative d’organiser cinq mois par an une cantine scolaire.

Pourquoi ne pas laisser les enfants manger tout simplement chez eux ?

C’est que ces cinq mois, entre novembre et mars, sont ceux de la soudure, c'est-à-dire ceux qui précèdent la nouvelle récolte de riz. Les réserves de la précédente récolte sont épuisées dans beaucoup de familles et elles sont en mode de survie tout en devant travailler très dur dans les rizières. Comme le dit la Présidente du groupe, si les enfants ne mangent pas, ils ne viennent plus à l’école ou, s’ils y viennent, ils s’endorment pendant les cours. Les femmes ont donc décidé de s’organiser pour que soit mise en place une cantine scolaire. Et s’organiser dans un tel contexte, c’est toute une affaire !

 

Il faut de la nourriture, un lieu à l’abri de la pluie, fréquente en cette saison, des équipements pour la cuisine, du combustible pour la cuisson, des cuisinières, des personnes pour servir et faire la vaisselle. Sans oublier l’eau pour que les enfants se lavent les mains, des toilettes pour qu’ils fassent leurs besoins à l’écart.

 

Pour tout cela, elles mettent les parents à contribution et se mobilisent elles-mêmes. Elles peuvent aussi compter sur FIVOY (prononcez « fivouille ») organisation d’appui, membre du RIEH, qui bénéficie elle-même du financement d’un organisme allemand, KAB (Katolischen Arbeitnehmer Bewegung). Depuis plus de 15 ans, FIVOY forme et appuie des groupes de femmes dans quatre communes de la région. L’association apporte notamment des outils et des méthodes pour s’organiser. Le soutien financier de KAB est indispensable, mais il est très loin de couvrir tous les besoins et le pourcentage des dépenses qu’il couvre diminue chaque année.

 

La contribution des parents est aujourd’hui de 50% pour le riz, de 100% pour les haricots et de 50% pour les brèdes (légumes feuilles couramment consommés à Madagascar). Le riz est collecté au moment de la récolte en avril et mai et stocké dans un grenier. Pendant deux mois, les femmes en charge de la gestion sont présentes pour recevoir les contributions en tenant une comptabilité très rigoureuse. Le stockage suppose un espace volumineux et surveillé car les risques de vol sont importants. Actuellement la cantine et le stockage se font dans une « Maison des femmes », construite par elles, bien sûr, qui abrite aussi d’autres activités.

 

Pour pouvoir inscrire les enfants, il faut contribuer et les contrôles sont rigoureux. Toutefois, l’association des parents qui gère l’école et qui connaît bien la situation des familles peut décider de réduire les quantités à verser, voire même de demander une contribution sous forme de travail à la cuisine ou dans le service.

Une formation des femmes, intervenant dans la cuisine et les services a été organisée, notamment pour le respect de règles d’hygiène. Règles qui sont ainsi diffusées aussi dans les familles. Des techniques de chauffage sont également travaillées pour réduire la consommation de bois et de charbon de bois, ainsi que des fours solaires. A noter que les cuisinières se sont montrées peu disposées à changer leurs méthodes traditionnelles plus consommatrices en bois mais aussi plus rapides. Il a fallu les convaincre et même, au bout d’un certain temps imposer le changement.

 

Un autre point remarquable est que les femmes ont décidé de constituer un capital pour assurer la pérennité de la cantine, y compris dans la perspective d’un retrait total du financeur allemand. Ainsi, au-delà du nombre de sacs de riz nécessaires pour l’alimentation, un grenier spécial est constitué à partir d’une contribution complémentaire de 5 mesures. Ce riz, vendu quand les prix sont au plus haut, permet de racheter des quantités plus importantes quand les prix sont au plus bas. Le capital augmente ainsi chaque année avec la perspective à terme de pouvoir non seulement reconstituer le stock mais dégager des bénéfices pour le fonctionnement. Un mécanisme habituellement utilisé par les spéculateurs, mais qui est ici au service de l’intérêt général !

 

Tout cela nécessite une organisation qui ne relève en rien de ce qu’on appelle avec une nuance de mépris : l’économie informelle. C’est bien d’économie humaine qu’il s’agit. Il y a le comité des parents qui prend en charge tout ce qui concerne l’école. Il est constitué pour la cantine scolaire un comité de la cantine comprenant l’association des femmes du village (qui mène aussi d’autres activités sur le village), le comité des parents, les enseignants, une animatrice de FIVOY. 9 groupes de 8 femmes se relaient pour faire la cuisine. Deux femmes sont responsables de l’organisation d’ensemble. Elles tiennent dans un cahier une comptabilité très rigoureuse avec, jour par jour, les aliments achetés, la part des stocks utilisés, les menus servis, le nombre d’enfants présents. Cette gestion rigoureuse permet de tenir chaque année, en début et en fin de la période de fonctionnement de la cantine une Assemblée générale avec tous les parents participants. C’est là que sont prises toutes les décisions importantes, notamment le montant des contributions à verser, les investissements à réaliser. Les cahiers permettent aussi un rapport très régulier au bailleur de fonds KAB.

 

Grâce à tout cela 250 enfants font au moins un bon repas 5 jours par semaine pendant 5 mois.

Une autre cantine fonctionne de la même manière dans le village de Tsarahonenana (commune d'Anjoma), toujours avec l’appui de Fivoy. Celle-ci sert 380 repas par jour. Et, dans ce village, les femmes ont réussi à mobiliser aussi les hommes. On a besoin de bras pour puiser l'eau du puits et pour casser les bûches !

Certains parleront d’une goutte d’eau dans un océan de misère. Ils ont bien tort. D’abord parce que 250 et 380 enfants qui évitent la malnutrition, ce n’est par une goutte d’eau, c’est une oasis de bien-être. Ensuite parce que ce modèle fait école dans les villages alentour. Déjà les femmes des deux groupes échangent entre elles pour tirer le meilleur parti des deux expériences. Et au RIEH de Madagascar et d’autres pays de faire en sorte qu’il se répande. Enfin parce que ces femmes prennent conscience de leur capacité collective à s’organiser et à obtenir des résultats. Et elles ont envie d’agir aussi sur d’autres enjeux. Des leaders se dégagent et l’une ou l’autre d’entre elles pourraient bien prochainement être élues au conseil communal, voire un jour comme maire.

 

Félicitations et encouragements à elles toutes !

Michel Tissier

 

 

 

 

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